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Drôle de clown

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Drôle de clown

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Drôle de clown

Il reçoit dans sa loge du théâtre 13ème Art, vêtu d’un manteau de Père Noël. « Ce manteau a 150 ans », dit-il. Et c’est parti pour une immersion, sans transition, dans l’univers d’Alexandre Frish. Un autre monde et une histoire à part, qui débute dans un village de Sibérie. C’est là qu’il a grandi. Au milieu des élevages de volailles et de vaches des fermes voisines de celle de son père, qui, lui, avait des moutons. Une campagne rude, glaciale, isolée. Pour les Russes blancs, dont Frish est un descendant, cette région évoque Staline, les goulags, la misère… « C’est aussi là que j’ai eu mon premier accordéon », confie-t-il en montrant l’objet qu’il trimbale encore avec lui. « Des poules s’en servaient pour faire leurs crottes… Je l’ai nettoyé. Il marchait très bien. Il est toujours là. » Un sens inné de la récup’ et de la fête. Car comme dans toutes les familles russes confrontées à l’exil, il faut vivre avant tout. « Mon père n’était jamais triste, se souvient Frish. Il était fan de Chaplin et il l’imitait pour faire rire ses trois enfants. Chez nous, c’était Noël tous les jours. » Même les ustensiles de cuisine servaient à faire de la musique. Dans sa loge, Frish sort soudain, d’un grand sac en plastique, un duo de cuillères en bois rapportées de Russie. Il les manipule avec une fascinante dextérité pour produire un son proche de celui des castagnettes. « Ces cuillères en bois ressemblent à celles avec lesquelles on mangeait en Sibérie. Car, se servir de cuillères en métal par – 45° C, c’était impossible : ça collait aux lèvres… »

Cirque, KGB et sac à dos

Il évoque à nouveau son père, qui ne séparait jamais de son harmonica et jonglait avec des boîtes de cigares. Les anecdotes s’enchaînent. Les souvenirs aussi. Mais rien de larmoyant. Jamais. Juste un déclic : gamin, Frish, détestait le ramassage des pommes de terre, l’été. Jusqu’au jour où son père s’est mis à jongler avec les tubercules… comme au cirque. Ce cirque, installé dans la grande ville voisine, où pour avoir des places,  il fallait dealer avec le KGB. C’est à ce moment-là que Frish a voulu, lui aussi, travailler dans un cirque. Pour faire le clown et voyager. « Ma grand-mère, d’origine allemande, a fuit Hitler, puis Staline. Pour elle, voyager, c’était très important. Si bien qu’elle nous avait appris, enfants, à avoir un sac à dos toujours prêt pour pouvoir partir en cas d’urgence. »

Tours du monde, nez rouge, Marcel Azzola et Pierre Richard

Il part donc se former à Moscou. Frish veut devenir clown. Un clown jongleur. C’est d’ailleurs le rôle qu’il va avoir au sein du Cirque de Moscou durant une vingtaine d’années : « Là, j’en ai fait des tours du monde. » Parfois avec de vrais faux passeports, pour pouvoir sortir « tranquille » de l’ex-URSS. Aujourd’hui encore, il continue de se produire sur scène avec la troupe du Slava’s Snow Show, qu’il a intégrée en 1997. Il balade son nez rouge et sa bille de clown de Londres à Sidney, en passant par New York ou Hong-Kong et compare ses prestations non pas à un travail, mais à « un jeu » : « A chaque spectacle, c’est un peu ma vie que je raconte en jonglant, en jouant de l’accordéon, ou en portant ce manteau de Père Noël qui vient de ma famille. J’ai l’impression que ce que je fais sur scène n’est qu’une continuité de mon vécu. » Reconnu et respecté par ses pairs, Frish forme aussi de jeunes talents à l’art de jongler et fait partie du jury du prestigieux cirque de Monte-Carlo. Ses amis ? Ils s’appellent Marcel Azzola, Pierre Richard ou Guillaume Gallienne, qui a d’ailleurs donné un rôle à Frish dans son film Maryline. Puis, le clown regarde l’horloge. Bientôt 18 heures. C’est le moment d’aller dîner avant le show. Car Slava et sa troupe ont posé leurs bagages à Paris pour quelques jours. Et il ne s’agit pas de faire attendre les spectateurs venus voir le cirque le plus surréaliste et le plus poétique du moment. Ce cirque où les clowns se promènent dans la salle en jetant une drôle de neige qui s’échappe des mêmes filets que ceux utilisés par Frish, lorsqu’il ramassait les pommes de terre pour son père. Des filets, autrefois fabriqués par les femmes dans les goulags, qui servent désormais à amuser les enfants.

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